« La vérité sort de la bouche des enfants » À mi-chemin entre le rêve et la réalité, la parole des enfants est-elle toujours fiable ?
Une partie du charme des enfants vient de leur sincérité naïve et flagrante, mais les enfants sont-ils toujours sincères ?
Les enfants disent la vérité
Les enfants sont spontanés, innocents et naïfs, ils s’expriment ouvertement sans trop réfléchir ou chercher à plaire, sans peur et sans filtre de morale.
C’est encore plus vrai durant les premières années de vie. Cette sincérité est charmante peut même parfois conduire à une situation désagréable ou blessante (un enfant dira ouvertement à une personne qu’elle est très grosse ou qu’elle sent très mauvais sans y voir aucun mal). Jusqu’à environ 4 ans, les enfants n’ont pas encore développé de réelle empathie, ils ne sont guidés que par leur spontanéité.
À mesure que l’enfant grandit et se développe sur le plan cognitif et émotionnel, cette sincérité brute se transforme. Ils développeront de l’empathie et sauront progressivement placer des filtres entre « leur cerveau et leur bouche » pour trouver l’équilibre entre sincérité et tact. Notre éducation les y encourage, c’est une valeur incontestable à leur transmettre.
Les enfants ne disent pas toujours la vérité
Malgré leur innocence, les petits mentent aussi, pour des raisons différentes selon leur âge et le stade de développement dans lequel ils se trouvent. De 2 ans et jusqu’à environ 5 ans, un enfant peut mentir pour éviter de se faire gronder ou par peur de déplaire.
À cet âge, il ne fait pas encore bien la différence entre le bien et le mal, le réel ou le fictif et les mélange volontiers. Il peut donc déformer la vérité pour éviter quelque chose, pour s’amuser, pour faire rire ou pour imaginer une réalité qui lui semble plus intéressante. Ou encore pour s’attirer des faveurs ou capter l’attention. Ces « inventions » n’ont pas d’intention de causer du tort à autrui, elles sont plutôt le reflet de rêves et de désirs de l’enfant que de réels mensonges. Elles peuvent également masquer une faible estime de soi (en racontant que ses parents ont une plus grande voiture par exemple).
Un enfant cesse habituellement de mentir vers 5 ans à 6 ans. Si après 6 ans, l’enfant ment régulièrement, cela peut poser problème.
Intéressant…
Un dispositif d’observation pour évaluer la validité de la parole des enfants (Extrait : Expérience réalisée pour la première fois par Hubert Van Gijseghem, psychologue, expert judiciaire et professeur à l’université de Montréal, Québec).
Contexte : Un adulte joue à « Jacques a dit » avec un enfant, la scène est filmée, l’enfant et l’adulte sont assis séparés d’au moins un mètre. L’enfant est interrogé une semaine après par un observateur. Les enfants, mêmes très jeunes (de 3 à 5 ans), se rappellent avec précision les gestes et les mots.
À la question : « La semaine dernière, quand tu jouais à “Jacques a dit”, est-ce que le monsieur t’a frappé ? » Jusqu’à 3 ans, plus de 30% des enfants répondent Oui, alors que le film prouve que c’était impossible. A 3 ans, le mot « frapper » évoque que « quelqu’un m’a frappé, ici ou ailleurs, ce monsieur ou un autre ».
À partir de 5 ans, ce chiffre tombe à 5 %. A l’âge de 5 ans, la maturation du système nerveux permet une représentation précise du temps et de l’espace. « J’ai été frappé, mais ailleurs, pas ici, et pas par ce monsieur. »
Donc les mêmes mots, employés par un enfant de 3 ans ou par un enfant de 5 ans, ne désigneront pas le même morceau de monde.
Pour qu’un enfant comprenne la signification de certaines questions, il faut qu’il soit capable de se décentrer de lui-même afin de se représenter le monde mental d’un autre, ce qui impossible intellectuellement avant l’âge de 7 à 10 ans, à condition qu’autour d’eux les structures affectives aient été stables et sécurisantes pour permettre le développement de l’empathie.
Donc, la mémoire des enfants est bien plus fiable que ce que l’on croyait (à condition que les adultes parlent leur langage et s’appliquent à ne pas les influencer) et les mots qui traduisent ces images mises en mémoire sont modifiés par le développement de l’enfant.
Que peut-on faire en tant que parent ?
Avant tout, ne pas le réprimander, essayer de comprendre par le dialogue ce qui a modifié sa perception de la vérité. Lui expliquer pourquoi il est important de dire la vérité et le sensibiliser sur les conséquences du mensonge pour créer de la confiance. Lui dire que les gens l’aiment tel qu’il est, il n’a pas besoin de mentir pour être apprécié.
L’encourager lorsqu’il dit la vérité sur un sujet où il aurait été plus « pratique » de la cacher (oui, c’est lui qui a cassé ce vase). De cette façon, la vérité va s’ancrer dans son esprit comme un renforcement social et il s’en servira dans le futur.
Soyons des exemples : Attention à nous !
L’enfant est très vite capable de détecter les mensonges chez les parents à travers leurs gestes ou leurs expressions. S’il constate qu’on lui ment (dire « il ne reste plus de biscuits » alors qu’il en reste), il comprendra vite qu’il suffit de mentir pour se sortir d’une situation ! Privilégions donc la vérité (« il en reste mais tu as suffisamment mangé » ou « on va bientôt diner »).
Article écrit par Julie TIMSIT